• Les années passent devant nous sans qu'on n'y puisse rien. Il y a d'abord ces rencontres parmi les autres, celles qui nous animent. On s'accroche à la vie ensemble, on trébuche mais on ne tombe pas. Pas encore. A l'époque, nous n'étions que des gamins qui regardaient passer le temps, les yeux emportés par ce qui passe ailleurs, de plus beau, sans se soucier de l'embarras des réalités qui altéreraient nos rêves. En grandissant, tout s'abîme un peu, la lumière qui resplendissait autrefois s'estompe petit à petit. Il fera bientôt noir. Nos visages sont défigurés par les inoubliables tracas qui faillissent nos histoires. En somme, nous restons les naufragés du navire auquel rien ne nous accroche. Et nous sombrons.

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  • J'avais descendu les escaliers de cet immeuble, accueillant ma visite régulièrement sentimentale de jeune transit, je venais de maltraiter la lourde porte, dernier rempart avant le dehors, et je repris contact brutalement avec la réalité de l'endroit. Ici-bas, des tours à perte de vue, voir à leur perte tout court, froides et austères. La vie grouille, surtout d'indifférence, de nonchalance, d'imposture, d'anonymat mais moi je me balade impunément dans le quartier de mon matin, les sens en éveil. J'endure le froid, la faim, le sommeil mais je sais que ça peut aller par-delà. Justement, je comptais y aller ; par-delà. Je m'engouffre alors en sous-sol pour emprunter le transport des riches et des pauvres, enfin surtout des pauvres. Parfois, la fibre sociale s'effrite et chacun en pâtit. Quiconque eut pu s'en octroyer les vertus humanistes en pensant à la misère, la mendicité, même infantile, mais qu'en est-il lorsque la petite main frotte le pantalon propre et conforme des honnêtes citoyens? Ça décale et ça décade ; des nuques honteuses, des regards dans les chaussettes du voisin de malheur, des silences en plomb, des coups de matraque dans les restes de ce qui n'est plus aujourd'hui, qu'habituel. Encore un cauchemar dont on ne se réveille pas complètement, encore que, j'ai parfois des doutes. Saleté de doutes.

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  • Morceaux par morceaux, tout bascule ; des feuilles orphelines soufflées par un vent assassin au froid ravageur poussant la vie par le fond. Les senteurs légères apprivoisent encore pour quelques temps la curiosité de tout un monde. Couleurs par couleurs, se déclinent la funeste fin de la saison lumineuse, de la chaleur outrancière. La mort s'est invitée dans nos rangs chaotiques de francs camarades et nous récite ce poème glacial intimidant et coutumier. L'habitude n'efface pas pour autant le chagrin récurrent d'un moment fort où l'automne nous gagne, petit à petit, sans rien d'étonnant mais tellement pourtant.

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  • Chaque société comprend son lot de ce que nous dénommerons "boulet". Nous n'approfondirons pas particulièrement les "boulets" des espaces virtuels, que ce soit ceux grouillant sur les forums ou sur les "chat IRC". Ces derniers, armés d'un sentiment d'impunité extrèmement développé sont pourtant redoutables.

    Mais penchons-nous plutôt sur le boulet du quotidien, celui qui chaque jour provoque en nous un saut d'humeur mélé de mépris tellement sa bétise est insupportable, comme s'il concentrait en lui, celle de toute l'humanité. Nous avons tous croisés ces magnifiques imbéciles, un jour où nous tendions l'oreille vers la table du voisin, alors qu'un débat d'idée rythmait leur mastication. Bien souvent, après avoir ressacé des bribes d'informations télévisuelles avalées sans digestion, la discution s'étouffait, se terminant par un sempiternel "De toute façon, moi je n'en sais rien.". Le boulet sait tout et compte bien partager son savoir. Sa vie est un éternel colportage des idées reçues qui changent au gré des discours précédemment ingurgités. Le boulet est dans la norme, se confondant dans la multitude, et ainsi sévit en son sein sans difficultés. Parfois le boulet s'attache à vous délibérément avec l'intention de communiquer, vous voici alors au sommet de la montagne du pathétique, mais le boulet l'élève encore, pierre par pierre, frénétiquement. Il ne reste que vous et des cailloux, symbolisant chacun les méandres du clair esprit de cet être qui pourtant vous ressemble.

    Qu'attendez-vous forçats du monde pour vous libérer de cette emprise? Et si la main mise sur le monde était la notre? Verriez-vous dès lors le monde comme un boulet bien rond, taillé dans l'acier, âpre et solide?

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  • Ce matin, comme chaque jour en arrivant dans mon bureau, j'ai traversé ce couloir et passé en revue une série de mains qu'il m'a fallu serrer comme l'entend un vieux rituel qui nous est commun dans cet endroit. Si tout à coup l'on s'intéressait à l'histoire de cette main que je m'apprête à saisir. Entre les portes qu'elle a ouvertes, elles-mêmes empoignées à la guise de leurs visiteurs, maintes et maintes fois, le gobelet en plastique de la machine à café, le volant de la voiture, le trousseau de clefs, le clavier de l'ordinateur, le luxueux manteau, le respectable digicode de l'entrée de l'immeuble, et les autres mains qui connaissent elle-même un sort sembable, des mains masculines, des mains féminines, comment s'y retrouver, comment savoir? Dès le lever et puis sans cesse, la main se salit en touchant notre intimité, chaque fois l'envie encore inassouvie, le besoin insatisfait. Une fois souillée, elle reçoit une eau purifiante, du savon, les meilleures fois, puis on referme ce robinet malpropre, pour s'en aller s'essuyer tant bien que mal, et sortir, en ouvrant une porte, toujours une porte, puis se blottir contre une autre main lorsque l'occasion se présentera. Surtout ne me montrez jamais vos mains et n'insistez pas sur votre façon de vous en servir ou de vous en desservir, regardez-moi dans les yeux puis oubliez cette histoire et tout ira bien.

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